La capture des Noirs, faits prisonniers lors des guerres tribales, est le fait quasi-exclusif d’Africains. Ces prisonniers sont vendus aux négriers*. Pour satisfaire la demande croissante des négriers européens, les tribus côtières attaquent les villages de l’intérieur et enlèvent tous les individus dans le seul but de les vendre comme esclaves.
À leur arrivée sur la côte aussi appelée « Côte aux Esclaves », les négriers rendent visite au roi africain local. Les Européens négocient leur pacotille* (rhum, eau-de-vie, fusils, poudre à canon, verroterie, etc.) contre les captifs* du roi africain. Au milieu du XVIIIe siècle, la valeur moyenne d’un esclave* lors de son achat était de l’ordre de 70 à 100 barres de fer. Lorsque le marché est conclu, les esclaves sont marqués au fer puis rassemblés par lots. Ils sont alors embarqués sur le navire. Puis l’opération est renouvelée un peu plus loin sur la côte, augmentant chaque fois le nombre d’esclaves. Pour un seul voyage, la traite sur les côtes africaines pouvait ainsi durer des mois.
Ci-dessus : Côte Est d’Afrique. Commerce des esclaves à Zanzibar, lithographie. Extrait de Voyages autour du monde et naufrages célèbres, Paris, 1844, Musées d’art et d’histoire du Havre, Inv. 71.366.1.
La traversée de l’Atlantique constitue le moment de la déportation* des Africains vers l’Amérique. Ce déplacement massif de plus de 12 millions de personnes est un des facteurs qui expliquent la composition actuelle de la population des Antilles et du continent américain dans son ensemble.
Ci-contre : "Profil et coupe de La Vigilante (1822), brick négrier de Nantes". extraits d’Un épisode de la traite des Nègres en 1822. Dans Souvenirs de marine conservés, p. 197-198, [1887?], Archives municipales du Havre, BAGF6927
L’esclave* est d’abord considéré comme une marchandise. Achetée sur les côtes africaines, elle est acheminée comme une cargaison vers le continent américain où elle sera revendue.
La mortalité sur les navires de traite
Le taux de mortalité sur les navires est de l’ordre de 10 à 20 %. Cette mortalité est prise en compte par les armateurs*. Ainsi, Amand Le Carpentier envisage une perte de 15 % de la cargaison lors de la traite* et de la traversée de l’Atlantique. Lors du voyage, des déclarations de perte de cargaison sont rédigées et signées par l’équipage. En effet, le décès d’un esclave correspond à une perte financière pour l’armateur. L’équipage doit donc en justifier. Une fois débarqués en Amérique, les esclaves sont soumis à la quarantaine, c’est- à-dire qu’ils sont isolés 40 jours pour éviter la transmission de maladies dont ils peuvent être porteurs.
Ci-contree : Un certificat de décès d’un enfant sur le navire L’Alligator (1791-1792). Archives municipales du Havre, fonds Boivin-Colombel, 49Z150.
La vente des esclaves
La valeur de l’esclave* est bien plus élevée lorsqu’il est débarqué. Les captifs* sont d’abord préparés avant d’être présentés aux ventes. Ils sont rasés, leurs cheveux sont coupés, leurs plaies et autres défauts physiques apparents sont maquillés. Les ventes sont annoncées plusieurs semaines à l’avance, durant la quarantaine.
Les esclaves sont vendus, parfois aux enchères. Le prix de vente de l’esclave dépend de plusieurs facteurs : l’âge, l’état physique ou l’état de santé ainsi que l’aspect général.
Une fois la transaction conclue, l’esclave est marqué au fer rouge des initiales de son nouveau maître. Il devient alors un bien meuble, comme le stipule le code noir. Ainsi, l’esclave fait partie du patrimoine de son maître, à l’image d’un animal de trait ou d’une machine agricole. Au cours de sa vie, l’esclave voit sa valeur pécuniaire évoluer. Elle augmente lorsqu’il acquiert force physique ou compétences, elle décline avec l’âge, les maladies ou les infirmités.
Ci-dessus : "La vente des Nègres", estampe, extrait de La France maritime, 1837-1842, tome 3, Musées d’art et d’histoire du Havre, MA.1988.1.5.
Sur la plantation*, l’esclave est considéré comme un outil. Les conditions de vie et de travail sont difficiles et sont déterminés par un objectif de rentabilité. Ainsi, dans les plantations où la nourriture est fournie aux esclaves*, la ration est limitée au strict nécessaire. Ailleurs, les esclaves doivent cultiver leur lopin pour subsister. La plupart des esclaves travaillent « au jardin », c’est-à-dire aux champs. En plus des travaux aux champs, les esclaves doivent aller chercher l’herbe pour nourrir le bétail. Parfois même leur travail continue la nuit, des esclaves travaillant par quarts dans la sucrerie. Ces conditions de travail expliquent la forte mortalité sur les plantations. Les deux premières années en Amérique tuent autant que la traversée de l’Atlantique.
Ci-dessus : "La figure des moulins à sucre", estampe extraite de César de Rochefort, Histoire naturelle et morale des iles Antilles de l'Amérique, 1681, Reinier (Rotterdam), Bibliothèque municipale du Havre, 37.374
La main d’œuvre servile est également hiérarchisée. Les esclaves qui travaillent « au jardin » sont les plus nombreux et sont ceux qui sont soumis aux pires conditions. Il s’agit surtout d’esclaves nés en Afrique. Dans la plantation, ils sont sous les ordres d’un commandeur*, esclave lui aussi. Les commandeurs et les esclaves qualifiés sont le plus souvent des esclaves créoles*, nés dans les colonies*. Ils ont eu dans leur jeunesse un apprentissage et des responsabilités leur sont confiées. Ils travaillent à la sucrerie ou à la forge par exemple. Enfin, les domestiques* (jardiniers, servantes, blanchisseuses) constituent l’élite parmi les esclaves. Ils vivent avec le maître et sont à son service. Leurs conditions de vie sont meilleures.
Les châtiments infligés aux esclaves sont très durs. Le Code noir* stipule qu’un esclave qui lève la main sur son maître ou sa famille est puni de mort. Les fugitifs repris sont marqués d’une fleur de lys sur l’épaule et souvent amputés des oreilles. Les récidivistes ont le jarret coupé.
Ci-contre : "Sévices infligés aux esclaves", gravure extraite de Francois Froger, Relation d’un voyage aux Côtes d’Afrique, 1699, Bibliothèque municipale du Havre, 35864.
Armateur : Personne ou société qui arme des navires, c’est-à-dire qui exploite les navires en finançant leurs voyages.
Captif : Homme fait prisonnier après une expédition guerrière.
Code noir : Recueil de textes législatifs issus d’une ordonnance royale de 1685, réglementant les droits des maîtres sur leurs esclaves et les devoirs des esclaves vivant sur les plantations dans les colonies françaises.
Colonie : Territoire conquis et administré par un état en dehors de ses frontières et étroitement lié économiquement à la métropole.
Commandeur : Fonction honorifique donnée par un planteur à un esclave, souvent métis et chargé de la surveillance et du contrôle du travail des esclaves.
Créole : Adjectif et nom désignant une population issue du métissage entre groupes européens et esclaves africains.
Déportation : Déplacement forcé et souvent massif de population.
Domestique : Homme ou femme attaché à l‘entretien de la maison ou au service d’une personne.
Esclave : Personne en état de soumission absolue à un maître. Assimilé à un bien, l’esclave peut être acheté et vendu.
Négrier : Européen qui se livre au commerce des esclaves noirs.
Pacotille : Objets divers manufacturés ou non, tels tissus, perles de verre, miroirs, armes, barres de métal, alcool, poudre à canon, servant de monnaie d’échange contre des captifs.
Plantation : Synonyme d’habitation.
Traite négrière : Commerce d’esclaves dont les victimes étaient des populations noires.
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